01/04/2017
Le sport a été sa première famille
Portrait de Pierre Scheidegger, panathlonien et ancien multiple champion de Suisse de saut en longueur et de sprint.
La vie s’apparente parfois à une épreuve de sprint. Lorsque le pistolet retentit pour libérer les athlètes, nos pieds peuvent rester figés dans les starting-blocks, pendant que nos adversaires négocient parfaitement leurs premières foulées. Dans l’esprit de 99% des mortels, la course serait définitivement perdue, après un tel départ. Pas pour Pierre Scheidegger.
Placé en internat jusqu’à l’âge de 12 ans par sa mère, le jeune Pierre a su prendre la vie comme une chance. Ce qu’il n’a pas reçu à la naissance, il est allé le chercher tout seul. Ainsi, il s’est construit sa propre famille. Celle du sport.
L’aspect éphémère du sport
Tout commence à Payerne, où il vit sous le regard bienveillant de sa grand-maman. Pierre Scheidegger a 15 ans, lorsque naît son amour pour l’athlétisme. «Avec des copains, nous avions tiré un élastique entre deux poteaux, pour faire du saut en hauteur. Nous franchissions environ 1,70 m.» En voyant les gosses s’amuser avec leur élastique, Lucien Graf, alors champion de Suisse à la longueur, s’approche de Pierre Scheidegger et lui propose de rejoindre le Club Athlétique de Payerne. Le virus est inoculé.
Après avoir passé son adolescence à Schiers, dans les Grisons, il rejoint le Stade-Lausanne. Avec ses complices du 4 x 100 m, il bat le record national en 41’’2 et obtient le titre de champion de Suisse. Au saut en longueur, il remporte deux titres nationaux et fixe la meilleure marque helvétique à 7,54 m. «Le sport est pour moi une école de vie, souffle cet ancien dessinateur-technicien géomètre. Ma devise a toujours été: «Gagner comme une habitude, perdre avec le sourire». Il faut saisir l’aspect éphémère du sport. Un jour, tu es le meilleur, le plus beau, tu gagnes de l’argent. Et le lendemain, un autre arrive et te bat pour un centième de seconde et te relègue au néant.»
Terrible accident de la route
Le néant, Pierre Scheidegger l’a justement côtoyé sur la route, du côté de Vuarrens. En 1967, en revenant de Neuchâtel avec un ami architecte, un véhicule entreprend un dépassement hasardeux en face de leur voiture. «J’étais passager. Mon collègue est parti sur la gauche pour éviter la collision et on s’est littéralement envolé. Je me suis réveillé dans un champ de pommes de terre, en petits morceaux. Dans l’ambulance qui nous a conduits à l’hôpital, une voix me disait: «Ne t’endors pas, ne t’endors pas.» J’ai perdu conscience. J’ai retrouvé mes esprits trois semaines plus tard. Au réveil, je n’ai pas reconnu ma femme. Je lui ai dit: «Bonjour Mademoiselle, vous avez une bien jolie robe.»
Le choc a laissé de nombreuses traces: dislocation de la symphyse pubienne, plusieurs fractures du bassin, vertèbres fissurées, jambe et épaule droites touchées, vessie éclatée et rein traumatisé. Pierre Scheidegger reste deux mois et demi sur une chaise roulante. Dans son lit d’infortune, il demande s’il pourra à nouveau marcher et… faire plaisir à sa femme. Le médecin se retourne vers ses collègues en disant: «Vous voyez ce petit gars? Il vivra!»
Le «petit gars» en question a repris goût à la vie, grâce à l’amour inconditionnel de son épouse, enceinte au moment de l’accident et véritable pilier du «clan» Scheidegger. «Jo est une femme étonnante. Elle a toujours été belle et c’est une mère très protectrice. Elle a du caractère et elle a été impressionnante, lors des moments difficiles de notre vie. J’ai eu beaucoup de chance de la rencontrer. C’est une femme qu’on ne peut qu’aimer.»
Partager avec les jeunes
Depuis près de cinquante ans, Pierre Scheidegger tente de rendre au sport ce que celui-ci lui a donné. Membre du Panathlon Club Lausanne et du Kiwanis de Chailly-Lausanne, il combat l’hypocrisie sous toutes ses formes, promeut le sport pour les jeunes et une activité saine, sans dopage. «J’aime offrir, partager et rire, dit cet idéaliste. En revanche, j’exècre l’égoïsme. Je pourrais presque me montrer agressif avec les tricheurs.»
Une belle fidélité à ses principes de vie et aux valeurs fondamentales du sport.
CARTE D’IDENTITE
Né le 15 octobre 1937 à Lausanne.
Cinq dates importantes :
1957 Début de sa carrière internationale d’athlète.
1960 Mariage avec Jo.
1962 Naissance de Stéphane. Vincent suivra en 1967. Il a quatre petits-enfants: Bruno, Mathieu, Adeline et Oriane.
1967 Accident de la route, fin du sport de pointe.
1969 Adhésion au Panathlon Lausanne.
Source : article du 16.03.17 dans le 24 heures, Pierre-Alain Schlosser
(article récupéré des archives de notre ancien site)